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la main : Je jure, dit-il par cette main qui seule m’a peu ravir le cœur, que jamais je n’ay rendu hommage qu’à elle seule ; qu’elle seule sera celle qui, à jamais, aura toute puissance sur moy. Establissez et ordonnez de moy et de ma fortune ce que vous voudrez : Alcidon aimera et adorera Daphnide jusques dans le cercueil, quelque rigueur qui soit en elle.

Et vous, mon pere, dit-il, s’adressant au druide, que le grand Tautates a estably juge en cette contrée, que tardez-vous de condamner cette belle à me rendre ce cœur qu’elle m’a tant de fois donné, et juré ne le retenir, ny l’avoir agreable que d’autant qu’il estoit à moy ? Si elle s’excuse en m’accusant d’aimer quel-qu’autre chose est-il possible qu’elle sçache mieux ce que je fais que moy-mesme ? Elle dit que j’aime Clarinte ; je jure et je proteste que je ne l’aime point. Pourquoy se veut-elle plus tost croire que moy, elle qui ne peut voir que mes actions, et moy qui vois mes actions et mes intentions ? Peut-estre elle dira que je la veux tromper, et elle ne se veut pas decevoir. Mais pourquoy la voudrois-je tromper ? Car, si je ne l’aime pas, qu’ay-je affaire de son amitié ? Et si je l’aime, peut-elle penser que celuy qui aime quelque chose luy vueille mal tout ensemble ?

Ainsi disoit Alcidon, y adjoustant encore tant d’autres semblables discours que Daphnide ne pouvoit respondre qu’à