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elle nous esloignera de la Cour ! Et quoy ! Daphnide, est-il possible que, de passer le reste de vos jours avec une personne qui vous aime, et qui vous aime comme je fais, soit un supplice tant insupportable que vous le dites ? Ah ! que si vos paroles n’eussent pas esté plus artificieuses que veritables, et que l’amour eust eu autant de pouvoir sur vous que l’ambition, vous ne m’eussiez jamais ordonné de rechercher celle qui ne s’efforçoit de ruiner que cette sacrée ambition, qui est cause de tous mes desplaisirs. Au contraire, vous eussiez embrassé, pleine de contentement, cette occasion qui nous eust redonnés a nous-mesmes, et qui nous eust fait vivre ensemble à longues années.

Mais je vous supplie, mon pere, voyez la plaisante excuse pour m’esloigner d’elle : Vous n’estes point ignorant, dit-elle, de combien de graces le Ciel et la nature vous ont relevé par-dessus le reste des hommes. Si vous recherchez Clarinte, elle en ressentira les effects, et, soudain, mesprisant Euric et toute son ambition, elle se donnera toute à vous ! O Amour ! ne me dois-tu pas la vengeance de cette trompeuse flaterie ? Elle me veut persuader que Clarinte quittera cette mesme ambition, qui est cause que Daphnide me rejette et me donne à une autre. Mais pourquoy peut-on penser qu’elle me vueille ainsi esloigner d’elle ? Est-ce pour quelque haine qu’elle me porta, ou pour quelque importunité que je