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en tout ce qui est de mes actions, sinon lorsqu’elle a voulu faire quelque jugement. Mais alors elle me permettra de dire qu’elle a bien faict paroistre que l’œil ne peut voir quelque chose d’autre couleur que de celle qu’est le milieu par lequel passe sa veue. Car, ayant l’esprit preoccupé, ou de l’amour du roy, ou de l’ambition, elle ne pouvoit juger que de la mesme sorte. Et par ainsi toutes les choses qu’elle voyoit en moy luy sembloient telles qu’elle les voyoit en elle. Helas ! Daphnide, que c’est bien avec regret que je vous fais cette reproche, et que je voudrois bien la pouvoir rendre fausse avec mon sang et avec ma vie ! Mais, et par les effects, et par les paroles, vous ne l’avez tesmoignée que trop veritable. Quand vous me commandastes avec tant de protestations d’amitié de rechercher Clarinte, quelles furent les promesses que vous me fistes ?

Vous les avez ouyes, mon pere, car elle les a fidelement rapportées, et les raisons aussi pour lesquelles elle jugeoit qu’il estoit necessaire que je recherchasse Clarinte. Et toutesfois je ne laisseray de les retoucher, pour vous en rafraischir la memoire. Si l’on me ruine, dit-elle, aupres d’Euric, vous le serez de mesme, parce que notre fortune est conjointe ensemble. Mais de quelle ruine me menace-t’elle ? De m’esloigner de la Cour avec elle ! Si Clarinte, dit-elle, vient à bout de ses desseins, jugez comme