Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/365

Cette page n’a pas encore été corrigée

II ne faut donc point penser à la force. Mais, d’autant que je sçay bien que le grand Tautates n’est point menteur, et que, par son oracle, il vous a respondu que vous pourriez voir un jour dans les Forests la fontaine de la Verité d’Amour, il est bien à propos, ce me semble, que nous discourions un peu sur ce sujet. Car ses oracles ne sont jamais faux, mais bien souvent l’interpretation est celle qui nous trompe, parce que quelquefois il les faut entendre selon la parole pure et nette, et d’autres fois allegoriquement. Pour venir maintenant à l’intelligence de celuy qui vous a esté donné, pour le prendre selon la parole, j’espererois que bien tost l’enchantement de la fontaine pourroit estre desfait, si ce n’estoit que ce mot : un jour, me semble parler d’une chose qui est encore bien esloignée. Car c’est ainsi que nous avons accoustumé de dire, quand nous souhaittons de voir quelquefois arriver ce qui nous semble trop long à venir. Et cette consideration me fait dire que peut-estre l’oracle doit estre entendu de l’autre sorte, laquelle j’expliquerois ainsi :

La proprieté de la fontaine de la Verité d’Amour est de faire voir si veritablement l’on aime. Donc, toutes les choses qui nous peuvent faire voir la mesme chose, peuvent estre avec raison dites, pour ce particulier-là, la fontaine de la Verité d’Amour, c’est-à-dire faisant le mesme effect que feroit ceste fontaine. Le temps, les services et la perseverance le peuvent