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qui vous vueille vous y tenir compagnie. Et cela n’estant pas, laissez ce dessein, et asseurez-vous, sur ma parole qu’il n’y a force ny addresse humaine qui en puisse venir à bout par autre moyen que par celuy qui a esté ordonné en faisant le sort. Il y a deux lyons, les plus grands et les plus furieux qui ayent jamais esté veus, et deux licornes, les plus hardies et les plus agiles qu’on sçauroit voir. Ces quatre animaux sont de telle sorte opiniastres à garder ce qui leur a esté donné en charge, que jamais ils n’abandonnent l’entrée de la caverne où est cette fontaine, si ce n’est que l’un des lyons va quelquefois chercher à manger dans la forest voisine pour tous deux ; car, pour les licornes, elles se paissent d’herbes et de fueilles, comme les chevaux ou les cerfs. Et c’est une chose estrange que ces animaux, quoy que tres-furieux de leur naturel, ne font toutesfois mal à personne qui ne recherche point l’entrée de la fontaine, de sorte que les petits bergers ne s’en estonnent non plus que si c’estoient des chiens. Mais quand l’on fait semblant d’approcher un certain pilier, qui est planté assez pres de l’entrée, vous voyez ces lyons se herisser, grincer les dents, estinceler des yeux, et se fouetter de leurs queues, et les licornes frapper la terre du pied, baisser leurs testes comme soldats qui presentent leurs piques, et si furieusement qu’il n’y a personne qui ne s’en effraye.