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de voir s’il estoit vray que cette contrée fust si heureuse, ou plus tost ceux qui y habitent, comme, alors que je m’en enquis, l’on me voulut faire entendre. Car l’on me disoit des merveilles de la beauté du lieu, de la douceur de l’air, de la quantité des rivieres, et du bien qu’elles rapportoient, soit à la felicité des campagnes, soit à l’abondance des poissons. Mais, quand on me racontoit la douce vie des bergers et bergeres de Loire, de Furant, d’Argent et de Serant, mais sur tous de Lignon, je demeurois ravie et estonnée que toute l’Europe ne vinst habiter en Forest, ou que la Forest ne s’estendist par toute l’Europe. Pour sçavoir donc si cette renommée estoit veritable, je consentis à ce voyage. Et parce que nous sceusmes que presque tous y alloient vestus en facon de bergers et bergeres, et aussi ne desirant pas estre recogneue, nous nous desguisasmes de la sorte que vous nous voyez, nous semblant qu’il estoit plus à propos, tant pour ces raisons que pour n’estre point obligées à traisner une plus grande suitte de personnes apres nous.

Vous avez ouy, mon pere, non seulement nostre vie passée, et nostre differend, mais encores le sujet de nostre voyage et de nostre deguisement. II ne reste maintenant sinon que, suivant vostre prudence ordinaire, vous nous donniez, et les addresses pour voir cette fontaine, et les conseils desquels vous avez accoustumé de consoler