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la punir, et comment n’ensevelissez-vous dans le profond des abismes ce monstre, afin de faire horreur aux meschans ses semblables, si toutesfois il y en peut avoir quelque autre aussi desnaturé et aussi parfaictement meschant parmy les hommes ? Vous pouvez penser quelle je devins, lorsque cette nouvelle me fut apportée par les clameurs de tout le peuple. Quant à moy, il me seroit impossible de le pouvoir redire, car je perdis non seulement l’usage de la raison, mais celuy aussi du sentiment, si long temps que chacun me tenoit pour morte. O bien heureuse, si j’eusse peu clorre ma journée avec la sienne, et enterrer avec luy aussi bien tous mes ennuys, que tous mes contentemens l’ont suivy dans le tombeau !

A ces dernieres paroles, les larmes l’empescherent quelque temps de pouvoir parler, et donnerent assez de cognoissance du ressentiment qu’elle avoit encores de cette grande perte. Mais, s’estant essuyé les yeux et ayant repris un peu ses esprits, elle continua de ceste sorte :

Pardonnez, s’il vous plaist, mon pere, à cette foiblesse de femme, et qui peut-estre seroit excusable en un esprit plus fort que le mien, si les causes en estoient aussi bien recognues qu’elles sont vivement et justement ressenties de moy. Et me permettez qu’encores pour un peu de soulagement, je vous die des vers qui furent faits en ce temps-là sur ce sujet, parce qu’encores que ce soit un foible remede, toutesfois il me semble que, de se plaindre de son mal, cela donne quelque espece