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celuy qui a regret d’avoir offensé une personne qui l’aime. Alcidon continua d’aimer et de servir devant mes yeux Clarinte, ne me rendant plus les devoirs que mon amitié envers luy pouvoit meriter et que sa fidelité me devoit, si toutesfois il y en avoit encore en luy quelque estincelle. Quant à moy, je m’allay demeslant le mieux qu’il m’estoit possible des entreprises que mes envieuses me faisoient, et conservant la bonne grace du roy avec toute sorte de peine et de sollicitude, pouvant dire avec verité que la chose qui me travailloit le plus, parmi tant de soins qu’il me falloit avoir, estoit le peu d’amitié que je recognoissois en ce volage Alcidon, qui n’avoit pas honte de servir cette dame en ma presence, apres m’avoir promis tant d’affection et de fidelité.

Mais, mon pere, que sert-il d’allonger ce discours, puisqu’il ne reste à vous dire que la perte de ce grand prince ? Mais à quoy la raconter, sinon pour me reblesser d’une nouvelle playe sur une blesseure qui ne guerira jamais qu’apres mon trespas ? Et toutesfois il faut que je vous la die, puisque je dois cela pour le moins à la memoire du plus grand et du plus genereux prince qui commanda jamais dans la Gaule.

Sçachez donc, sage Adamas, que le grand Euric ayant esprouvé l’amitié de Clarinte n’estre pas asseurée et celle d’Adelonde toute pleine d’artifice, il jugea que la mienne seule estoit digne de luy, puisque, n’ayant pas pu soupçonner que j’aimasse