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Mais voyez, mon pere, comme le Ciel se mocque de ceux qui recherchent de mauvais moyens pour parvenir à leurs intentions. Ce que cette belle dame avoit pris peine de recouvrer pour augmenter et se conserver la bonne volonté de ce grand prince, fut ce qui la luy fit perdre entierement. Car, aussi tost qu’il sceut qu’elle usoit de charmes et de magie, il crut que toute l’affection qu’il luy avoit portée n’estoit procedée que de la force des demons, et non pas de beauté ny de merite qui fust en elle, et dés lors en prit une si grande horreur, qu’il s’en retira plus vite qu’il ne s’en estoit pas affectionné ; et depuis, quand il en parloit, il ne la nommoit plus Adelonde, mais sa Circé et sa Medée.

Je vous ay fait ce discours, mon pere, non pas pour estre necessaire en ce qui est d’Alcidon et de moy, mais seulement pour vous faire mieux cognoistre quelle estoit l’humeur et quel l’esprit du grand Euric, et juger par là si je n’avois pas subject de me servir, pour conserver sa bienveillance, de toute la plus prudente finesse qu’il m’estoit possible, et si, en ce que j’avois ordonné à Alcidon, j’avois eu raison ou non.

Or, ce qui reste à raconter de la vie de ce prince ne touche non plus à nostre differend, puisque, depuis ce jour, nous vesquismes comme nous faisions auparavant. Le roy revint à moy avec toutes les soubmissions et tous les repentirs que peut faire et ressentir