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veut oster à Clarinte un serviteur, et, par ses artifices, luy donner sujet de hayr ce rival, et, au contraire, la mauvaise satisfaction de Clarinte est cause qu’elle reçoit Alcidon en ses bonnes graces, et par ainsi Alcyre, au lieu d’un rival s’en trouve deux. Alcidon, d’autre costé, qui donne des vers à Clarinte pour acquerir ses bonnes graces, donne occasion à Amintor de rentrer en bonne intelligence avec elle et de cognoistre la tromperie que luy avoit faite Alcyre. Alcyre tire une lettre des mains d’Amintor pour le faire hayr de la belle Clarinte, et cette lettre, au contraire, est cause qu’il en perd luy-mesme les bonnes graces. Mais ce qui fut le pis, et qui est la cause de mon voyage en ces contrées, voulant faire perdre un serviteur à Clarinte, je luy en donnay un, et me le ravis à moy-mesme, pour luy en faire un present. Car Alcidon, depuis ce temps, se donna de sorte à elle qu’il ne fut plus mien que de bouche, et à elle de cœur et d’ame. Volage et inconstante humeur des hommes ! où trouveras-tu jamais quelque puissance assez forte pour t’arrester ?

Ce chevalier donc, ayant commencé par mon commandement, continua de sa volonté le service de cette belle dame, de telle sorte qu’elle se pouvoit vanter que, si je luy avois osté un serviteur, elle m’en avoit aussi pu ravir un autre, et avec d’autant plus d’avantage que, si elle aimoit Euric, ce n’estoit que par ambition. Mais