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aller dans le lict : Je vous demande pardon, Amintor, luy dit-elle, de la mauvaise opinion que j’ay conceue de vous, vous protestant qu’à l’advenir il n’y aura jamais artifice qui me mette en doute de vostre affection. - Madame, respondit Amintor, en luy baisant la main, je dois marquer ce jour pour l’un des plus heureux de ma vie, puisque tant inopinément il m’a faict deux si grands biens, et lesquels je ne pouvois recevoir par aucun autre moyen : l’un, de m’avoir fait cognoistre que mes yeux m’avoient trahy, et l’autre, de vous avoir faict veoir que je ne suis point autre que votre fidelle serviteur. Et je suis tellement hors de moy de deux si bonnes rencontres, que j’advoue n’avoir point assez de parole pour en remercier, et vous et ma bonne fortune.

II vouloit continuer, lorsque la survenue du roy l’en empescha, qui, ayant esté adverty du mal de cette belle dame, la venoit visiter presque tout seul, de peur que la compagnie ne lui donnast de l’incommodité. Et il arriva tant à l’impourvu, qu’il surprit les pieces de la lettre, qui estoient encore sur le lict. Quant à Amintor, il serra promptement les siennes ; mais Clarinte fut si surprise de voir Euric, cependant que ce chevalier estoit aupres d’elle, qu’elle ne se souvint point de cacher les siennes. Si bien que le roy, les ayant apperceues, y mit la main si diligemment qu’elle ne le put jamais empescher d’en