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plus violens, une fort bonne volonté pour ce chevalier, le voyant à genoux devant elle, le releva avec courtoisie, et, l’ayant fait r’asseoir, luy dit les larmes aux yeux :

Encore, Amintor, que la ruse dont a usé Alcyre ait esté tres-grande, si est-ce que l’offence que vous m’avez faicte n’est pas petite, ayant creu de moy une chose à laquelle vostre jugement ne devoit jamais consentir, ayant eu dés si long temps tant de tesmoignages du contraire. Mais quand je considere l’affection que vous m’avez portée, sçachant bien de ne vous avoir point donné d’occasion de me hayr, je veux charger de toute ceste faute la jalousie, qui ordinairement accompagne ceux qui aiment. Et là, tirant cognoissance que vous ne m’avez offencée en cecy, sinon d’autant que vous m’aimiez, je vous veux remettre cette injure, à condition que vous ferez deux choses pour moy. L’une que, puis qu’Alcyre vient si souvent me veoir de nuict, vous le suyvrez, afin de sçavoir où il va, car il est tres-certain qu’il ne vient point icy, et vous trouverez qu’il a quelqu’autre assignation, laquelle je seray bien-ayse de descouvrir, pour luy rendre le desplaisir qu’il m’a voulu faire. Et l’autre, que vous me promettiez de ne vous ressentir jamais de cette offence contre luy, parce que je cognois bien que vostre courage vous conviera d’en tirer quelque sorte de raison, et c’est chose que je ne puis souffrir, parce que vous m’offenceriez