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d’ingratitude, je veux, madame, que ce moment soit le dernier de ma vie. Mais si vous me permettez de dire ce que vous me demandez... - Ouy, ouy, interrompit-elle toute en colere, dites hardiment tout ce que vous sçavez, mais soyez plus veritable en vos paroles qu’en vos sermens. - Si estois-je resolu, respondit-il, sans le commandement que vous m’en faictes, de l’ensevelir dans mon tombeau, et l’emporter avec moy, pour m’empescher de regretter la perte de ma vie, ne l’ayant jamais desirée que pour avoir l’honneur de vous rendre le fidelle service que je vous avois voué, et qui m’a esté interdit depuis le temps que j’ai sceu et veu ce que vous me commandez de vous dire. - J’attens avec impatience, dit Clarinte, la fin de vostre discours, pour apres vous faire advouer que vous estes le plus ingrat et le plus perfide qui soit en l’univers. Ce que je vous tesmoigneray par vostre mesme escriture, si vous n’estes aussi effronté à le nier, que vous estes traistre et meschant au reste de vos actions.

Amintor, apres s’estre teu quelque temps, reprit ainsi la parole : Puis que vous me le commandez, madame, et que vous m’asseurez de me dire aussi ce qui vous convie d’user de telles reproches et injures contre moy, je satisferay à vostre desir, avec protestation toutesfois que, si je mens en ce que je vay dire, je puisse estre puny rigoureusement des dieux avant