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bon pour celles à qui vous faites tant de beaux et grands remerciemens. Mais si vous n’avez oublié la façon dont j’ay vescu avec vous, quand vous en avez recherché de moy, vous vous souviendrez que je ne suis point personne de qui il en faille attendre.

- Ah ! madame, respondit-il en souspirant, je n’ay que la memoire trop bonne de ce que vous me dites. Aussi n’y a-t’il plus que ce seul souvenir qui me reste, de tant de services que je me suis efforcé de vous rendre. Mais helas ! que mes yeux sont de trop asseurez tesmoins pour pouvoir estre démentis !

Le mal de Clarinte estoit grand, mais, quand elle l’ouyt parler ainsi, elle se tourna de furie de son costé : Et quel tesmoignage, luy dit-elle, vous peuvent avoir rendu vos yeux, qui soit à mon desavantage ?

Et parce qu’il ne respondoit point, retenu encor du respect qu’il luy portoit, elle continua : Non, non, Amintor, que vostre silence n’essaye point de couvrir sous le voile du respect la mauvaise volonté que vous avez pour moy, et vous contentez de vos trahisons passées, sans vouloir, pour les excuser, m’accuser de vostre faute. Vos yeux, ny ceux de tous les hommes ensemble, ne peuvent rien tesmoigner à mon desavantage, et si font bien les miens, et ceux de plusieurs autres, contre Amintor, comme contre le plus perfide, et le plus ingrat qui vive. - Si j’ay jamais manqué, dit-il froidement, à l’honneur et à la fidelité que je dois à celle qui m’accuse de perfidie et