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La place où je vous vois, à quelqu’autre nouvelle
Vous ne changeriez pas sous l’espoir d’estre mieux ;
Mais la fortune en nous n’est-elle pas cruelle ?

Le bien qui me defaut, vous l’avez vainement ;
Le bien qui vous defaut, je l’ay pour mon tourment ;
Sur nous elle use ainsi de double tyrannie.

Comme le Ciel se rit des choses de çà-bas !
Il offre ses presens à qui ne les void pas,
Mais à qui les void bien, le cruel, il les nie !

Amintor, ayant achevé de lire ces vers, demeura fort empesché à juger qui en estoit l’autheur, car, au commencement, il pensoit que ce fust Alcyre, mais la conclusion de ces derniers luy en ostoit presque l’opinion. Clarinte, qui vit bien qu’il ne pouvoit le deviner, les reprit, et, monstrant d’en estre fort soigneuse, les remit en la place où elle les avoit pris, et puis, se tournant à luy : Je vois bien, Amintor, luy dit-elle, que pour ce coup vous n’en devinerez pas l’auteur ; si vous assuray-je que c’est une personne qui merite autant de bonne fortune, qu’autre qui soit en la Cour.

- J’avoue, madame, respondit-il, que ces derniers vers m’ostent la cognoissance que je pensois en avoir, si ce n’est que, pour se desguiser davantage, il se feigne moins favorisé qu’il n’est pas. - Que pensez-vous dire, Amintor, reprit incontinent Clarinte, et avez-vous opinion que je fasse des faveurs à quelqu’un ? Cela est