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ne perde ma cause. Et parce que Diane ne luy respondit rien, ayant .l’esprit diverty ailleurs, lors qu’il eut finy ses vers, elle feignit selon sa coustume, de le vouloir contrarier. Et quoy, berger, dict-elle en le surprenant, faictes-vous si peu de conte de la compagnie qui est icy, que vous ne daignez seulement la regarder ? Silvandre s’estant esveille à cette voix, car il estoit dans ses pensées, comme dans un profond sommeil, se releva promptement, et apres avoir salué ces bergeres : J’advoue, dit-il, à ce coup, que Phillis m’a obligé, encores peut-estre que son intention ait esté au contraire. - Vostre ingratitude, respondit Phillis, est si grande envers moy, que je ne con-seilleray jamais personne de vous obliger, puis que vous le recognoissez si mal. Et puis continuant : Est-ce ainsi, berger, dit-elle, que vous me remerciez de la peine que j ’ay prise de vous advertir de vostre devoir, en vous faisant avoir la veue de ce que vous dites que vous aymez ? Quand ce ne seroit que l’incivilité dont vous usiez, en ne rendant l’honneur a ces bergeres que vous leur deviez, encores me seriez-vous infiniement redevable, et devriez user d’autre recognoissance que vous ne faictes.

Silvandre respondit froidement à cette bergere : Vous me faictes souvenir, Phillis, de ces chèvres, qui apres avoir remply le vase de leur laict, donnent du pied contre, et le cassent ; car m’ayant en quelque sorte obligé, vous rompez