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qu’ils en donnoient à autruy.

Ils continuerent quelque temps de ceste sorte, durant lequel Amintor s’alla tousjours plus opiniastrant contre l’affection qu’il portoit à Clarinte, ne pouvant consentir que son cœur genereux aimast une personne, de laquelle il pensoit avoir esté si laschement trahy. D’autre costé, elle, qui pensoit avoir encore plus d’occasion de le hayr, pour en avoir esté si indignement delaissée, encore qu’elle feignist de ne s’en point soucier, si est-ce qu’elle en ressentoit un despit si vif en l’ame que, ne pouvant s’en vanger si tost qu’elle eust bien voulu, elle ne se pouvoit defendre de l’extréme tristesse qui descouvre au visage les ennuys que le cœur veut tenir cachez. Et comme la neige, en roulant sur d’autre, s’amoncelle et s’agrandit, de mesme ce desplaisir peu à peu se joignant à d’autres ennuys, dont la vie des hommes n’est que trop fertile, s’y joignant encores quelque indisposition du corps, elle se reduit en un tel estat, qu’en fin elle fut contrainte de se mettre au lict, où tout son plus grand exercice estoit de souspirer et de plaindre. Amintor en fut incontinent adverty, parce qu’à cause de leur parentage les domestiques des uns et des autres avoient une tres grande familiarité ensemble. Mais cela encor ne fut point suffisant de vaincre l’esprit offencé de ce chevalier.

II advint en fin que, le mal de ceste belle dame rengregeant de jour en jour, il fut adverty qu’une nuict elle avoit