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temps, luy demanda qui estoit cette courtoise dame, sans mesme oster le mouchoir du visage, pour empescher que le changement de sa voix ne fust recogneu. - C’est, dit Alcyre, ce que vous m’avez promis de ne me commander pas de vous dire. Mais, pour vous donner plus d’asseurance de mes paroles, et que vous puissiez mieux juger ce que je vous dis, encore que sa lettre soit cachetée, je ne laisseray pas de la vous monstrer, parce que je reprendray bien son cachet sans qu’il le voye. Et lors, ouvrant la lettre, la luy presenta.

Elle, qui cognoissoit fort bien l’escriture d’Amintor, soudain qu’elle y jetta les yeux dessus, vid bien que veritablement il l’avoit escrite, et cela luy faisant adjouster foy à tout ce qu’Alcyre venoit de luy dire, elle lut avec une grande émotion tout ce qui estoit escrit, qui luy donna encore plus de desir de sçavoir à qui ce remerciement s’adressoit : Et ne me direz-vous point, Alcyre, luy dit-elle, à qui ces belles paroles sont escrites ? - Madame, dit-il, je la vous eusse nommée dés le commencement, si je n’eusse promis le contraire avec de si grands sermens, que j’aurois horreur de les rompre. Mais qu’il vous suffise que c’est l’une des plus belles dames de la Cour. - Je le croy, dit Clarinte, puis que vous le dictes. Mais, continua-t’elle, quelque beauté qui soit en elle, si l’estimeray-je encor beaucoup moindre que sa courtoisie. Et puisque vous ne voulez dire son nom, ne me pouvant