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de ne vouloir jamais rien sçavoir de vous, que ce que vous-mesme m’en voudrez dire. - Sçachez donc, reprit finement Alcyre, que le pauvre Amintor est secrettement devenu amoureux d’une des principales et des plus belles dames de la Cour, et que, l’aimant passionnément et s’estant figuré qu’elle devoit rendre à son affection quelque sorte de tesmoignage de bonne volonté, il y a quelques jours qu’il en voulut retirer quelque preuve. Mais, s’estant trouvé beaucoup moins heureux qu’il n’avoit eu opinion, il en ressentit un si grand déplaisir qu’il en devint malade, se donnant de telle sorte du tout à la melancolie, qu’il y avoit peu de personnes qui ne le jugeassent estre la seule cause de son mal. De quoy ceste belle dame estant advertie, esmeue à quelque compassion, le vint visiter, et depuis, ayant recogneu la grandeur de son affection, luy a donné autant de sujet de se contenter d’elle, que peu auparavant elle luy en avoit donné de mescontentement. De vous dire quel il est, il n’y a point d’apparence, puis, madame, que vous le pouvez juger par l’effect que je vous en dis. Tant y a que ce matin il a mis la main à la plume pour luy escrire, et, ne se fiant de personne que de moy, m’a prié de luy porter sa lettre.

Clarinte, oyant ces nouvelles, ne peut s’empescher de rougir, infiniment surprise de la nouvelle de cet amour, et parce qu’elle ne vouloit pas qu’Alcyre s’en apperceust, elle fit semblant de se moucher, et, en mesme