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ont fort bien jugé, et faut, s’il est si joyeux que vous le dites, qu’il soit bien changé depuis que je ne l’ay veu. Car, la derniere fois que je fus chez luy, à peine pouvoit-il ouvrir la bouche pour parler à moy. - Je ne sçay, respondit Alcyre, quel il estoit lorsque vous le vistes, mais si sçay bien que jamais homme ne monstra un visage plus content qu’il fait depuis hier au matin. Aussi n’est-ce pas sans raison, si c’est avec raison que celuy se contente, qui a obtenu ce qu’il desire. - Et je vous supplie, Alcyre, dit-elle incontinent, faites-moy sçavoir ce contentement, afin que, comme sa parente et sa bonne amie, je participe au plaisir qu’il en a. - Je le ferois, repliqua-t’il, pour obeyr à ce que vous me commandez ; mais, je scay, madame, que la pluspart des femmes ne scavent rien taire, et peut-estre, s’il venoit à le sçavoir, je perdrois son amitié, que je tiens si chere. - J’advoue, respondit-elle, que je suis femme, mais non pas de celles-là que vous dites ne sçavoir rien taire, ayant toute ma vie fait particuliere profession de ne parler jamais de ce que je promets tenir caché, comme à ceste fois je le vous proteste et le vous jure. - Sur cette parole, dit-il, je le vous diray, mais à condition que vous n’userez point de la puissance que vous avez sur moy pour m’en faire declarer davantage que je ne voudray. - Ce seroit trop de discourtoisie, dit-elle, encore que je le peusse faire, de vous y vouloir contraindre. C’est pourquoy je vous asseure