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compagnon, et qu’il recogneut que le mal le pressoit moins que de coustume, il fit semblant de vouloir escrire quelque chose qui luy estoit d’importance. Mais, comme s’il n’eust peu venir à bout de ce qu’il avoit à faire, il effaçoit tantost une parole et tantost rayoit une ligne toute entiere, et enfin, feignant de se dépiter contre soy-mesme, rompoit le papier et la plume contre la table, frappant de colere des mains dessus. De quoy Amintor sousriant, et ne sçachant d’où procedoit ceste facon de faire, luy demanda quelle occasion il en avoit :

Je vous asseure, luy dit-il, que je pense n’avoir pas aujourd’huy l’esprit bien fait. Ce matin, le roy m’a commandé de faire pour luy une lettre de remerciement à une dame pour quelques estroittes faveurs qu’elle luy a faites, et faut que je la luy porte tout à ceste heure, afin qu’il ait le loisir de la rescrire. Mais je ne sçay où aujourd’huy mon esprit s’en est allé, je ne puis lier deux paroles bien à propos.

Et parce qu’Amintor aymoit Alcyre, et qu’il sçavoit bien qu’Euric avoit accoustumé de donner bien souvent de semblables commissions à ceux qu’il aymoit le plus et qu’il jugeoit personnes d’esprit, il voulut essayer si son mal luy permettroit de faire cette lettre pour son amy, et, pour ce, luy ostant le brouillart des mains afin d’en comprendre mieux le subject, apres y avoir un peu songé, il escrivit telles paroles :

==Lettre d’Amintor au nom du