Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/314

Cette page n’a pas encore été corrigée

humeur si differente à celle dont vous souliez estre, que veritablement vous n’estes plus recognoissable. - Ah ! Clarinte, luy respondit-il en souspirant, combien eust-il esté à propos que ce changement fust arrivé il y a long-temps !

Elle demeura estonnée d’ouyr ceste response, et, lorsqu’elle vouloit continuer pour en apprendre davantage, les medecins s’approcherent de luy, de sorte que, craignant que quelqu’un ne s’en apperceust, elle n’osa repliquer. Au contraire, s’estant arrestée fort peu de temps aupres de luy, elle se retira la plus mal satisfaite personne du monde.

Cependant, Alcyre, pour ne point perdre temps, apres avoir veu un si bon commencement et un progres si favorable à ses desseins, pour se prevaloir encor mieux des occasions qui se pourroient presenter, se rendit beaucoup plus familier d’Amintor qu’il ne souloit estre, et demeuroit si assiduellement aupres de luy, qu’il estoit impossible qu’il parlast à personne sans qu’il l’ouyt. Car, cognoissant bien que son mal procedoit principalement du desplaisir qu’il recevoit de Clarinte, il ne vouloit point qu’elle l’en peust desabuser, ni que quelqu’un lui fist recognoistre la verité.

Mais parce qu’il n’avoit pas encore entierement accomply son chef d’œuvre, et qu’il estoit necessaire que, comme il avoit trompé Amintor, il abusast aussi Clarinte, afin que, comme il la fuyoit, elle s’esloignast aussi de luy, un jour qu’il se trouva seul dans la chambre de son