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qui estoit entr’eux, et en quelle confusion il mettroit toute la maison, il eut assez de pouvoir sur luy pour s’en empescher et s’oster de là, mais avec tant de regret que, de toute la nuict, il ne peut reposer.

D’autre costé, Alcyre, ayant si bien joué son personnage, et craignant qu’Amintor ne le vinst chercher en son logis, ne voulut point y retourner, ny en lieu où, le lendemain, quelqu’un peust dire de l’avoir veu, et à ceste occasion passa toute la nuict dans quelque, grotte d’un jardin, dont il s’estoit fait donner la clef. Jugez en quel estat il avoit mis Amintor, et combien un amant doit avoir de prudence, pour eviter les artifices d’un rival !

Le desplaisir de ce chevalier fut tel que, ne le pouvant declarer à personne, il fut enfin contraint de se mettre dans le lict, et alla quelque temps disputant contre le mal, avant que d’y vouloir donner remede. De quoy Clarinte estant avertie par le bruit qui en couroit, poussée de l’amitié qu’elle luy portoit et ignorant le sujet de sa maladie, se resolut de l’aller visiter. Mais elle le trouva si triste, qu’à peine la peut-il regarder, ce qu’elle attribuoit à la grandeur de son mal. Mais l’allant une autre fois visiter, et le trouvant encore plus melancolique et plus froid que la premiere fois, elle ne se peut empescher de luy dire : Il est certain, Amintor, que vostre mal doit estre fort grand, puis qu’il ne vous change pas seulement le visage, mais vous rend d’une