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reprit froidement Alcyre, et en mettez vostre esprit en repos. Car elle est mienne de telle sorte, qu’il se passe fort peu de nuicts que je ne sois aupres d’elle, et c’est pourquoy vous voyez que je me retire de sa compagnie le plus que je puis, afin d’en oster la cognoissance aux plus curieux, ainsi qu’elle m’en a prié. - O dieux ! dit Amintor, en levant les mains jointes en haut, ô dieux ! ne la punirez-vous point, la trompeuse et perfide qu’elle est ! - Je vous asseure, adjousta Alcyre, que plusieurs fois j’ay voulu vous en advertir, estant marry de vous voir trompé comme vous estiez ; mais (ainsi que je vous ay dit), j’ay eu peur que vous n’en eussiez trop de desplaisir.

Amintor alors, pliant les bras sur son estomach, et ayant demeuré quelque temps sans parler, reprit enfin de cette sorte : J’aurois une grande occasion de me douloir de vous, Alcyre, en ce que vous m’avez ravy Clarinte, si je ne sçavois bien que la poursuitte que vous et moy en avons faite, n’a point esté au desceu l’un de l’autre, mais que, comme ceux qui courent au prix, plusieurs entrent dans la course et un seul le gagne. De mesme, je n’ay point d’occasion de me douloir de vous, si vous l’avez emportée, cette Clarinte, plustost que moy. Au contraire, j’ay beaucoup de sujet de me louer de vous pour la declaration que vous me faites, afin que je ne demeure plus longuement deceu. Il ne reste, pour le