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vaillans et tres-aimables chevaliers, et qui, si je ne me trompe, embarquerent au commencement cette belle dame en cette affection, sous le nom de l’amitié. Ruse assez ordinaire, et de laquelle Amour se sert bien souvent pour surprendre celles qui semblent estre plus difficiles à le recevoir dans leurs ames. Outre le parentage qui estoit entre ces deux chevaliers et qui les devoit lier ensemble d’une estroite amitié, encore la longue nourriture qu’ils avoient eue ensemble, la conformité des exercices ausquels ils s’adonnoient et leur mesme aage les avoient conviez d’estre freres d’armes, et de se jurer l’amitié et l’assistance ausquelles ce nom oblige ceux qui en font profession. Mais Amour, qui ne veut point souffrir de compagnon, deffit bien tost cette societé de la sorte que je vous diray. Le feu est difficilement tenu caché sans que la fumée ne s’en apperçoive, mais je croy qu’il est encore plus malaisé de couvrir longuement une grande affection, et mesme à ceux qui peuvent y avoir quelque interest. Cette raison fut cause, outre celle de l’ordinaire practique, que ces deux chevaliers s’apperceurent bien tost de l’amour l’un de l’autre. Et d’autant qu’Alcyre recogneut qu’Amintor l’emportoit par-dessus luy, apres avoir recherché tous les justes moyens qu’il se peut imaginer pour le devancer, et qu’il eut esprouvé que tous ses efforts luy estoient inutiles, il se resolut à recourir à la finesse et à l’artifice, luy semblant