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vous dites que le Ciel m’a esté si liberal, car la preuve me montre assez le contraire, n’ayant jamais rien aimé que vous, qui vous estes ravie de moy, mais pour vous faire seulement cognoistre que, jusques à la mort, je vous veux obeyr. O Dieu ! est-il possible que le roy, estant aimé de vous, ne soit point encore content, s’il ne me rend entierement miserable ? O Alcidon ! as-tu bien le cœur de supporter ces outrages de la fortune ? Mais pourquoy ne les souffriras-tu pas, puisque c’est la belle Daphnide qui te l’ordonne ainsi ?

Et lors, se tournant vers moy avec une grande reverence : Ouy, madame, me dit-il, je feray ce que vous me commandez, et me deust-il aussi bien couster la vie que toute sorte de contentement.

A ce mot, il s’en voulut aller, mais je le retins par le bras, et, apres luy avoir, representé de nouveau tout ce que je viens de dire, et adjousté encores toutes les meilleures considerations que je peus, je le priay que, quoy qu’il vist nostre perte asseurée, toutesfois, si c’estoit chose qui luy faschast si fort, de ne faire pas ce que je luy avais dit, parce que toutes autres infortunes me seroient plus aisées à supporter que son desplaisir. Mais que, s’il vouloit un peu donner de lieu à la raison, il verroit bien que c’estoit à tort qu’il entroit en ces opinions, et qu’il m’offensoit grandement en les recevant.

Madame, me dit-il, si je vous offence en cela, j’en feray bien tost la penitence