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longuement de vous faire cette ouverture, craignant que vous n’eussiez opinion que je vous proposois ce party pour vous esloigner de moy, car tant s’en faut ; tout ce que je vous en dis, n’est seulement que pour pouvoir, à l’advenir, demeurer ensemble, et avec plus de contentement et de seureté.

Voilà les paroles dont j’usay avec Alcidon, luy monstrant si à nud mon intention, qu’il me sembloit bien ne luy donner nulle occasion de le mescontenter, ou de soupçonner que j’eusse autre dessein que celuy que je luy disois. Et toutesfois, quelque asseurance que je luy donnasse du contraire, ny quelque raison qu’il recogneust luy-mesme, il ne peut se persuader que ce ne fust pour l’esloigner entierement de moy, et, avec cet esloignement, m’obliger d’autant plus le grand Euric.

Parce qu’apres s’estre teu quelque temps et avoir tenu assez longuement les yeux en terre, il les releva, et, avec un sousris qui monstroit bien son mescontentement, il me respondit : Dieu vueille, madame, qu’en cecy je vous puisse aussi bien servir que vous le desirez. Car, quant à moy, sans qu’il soit necessaire de me rapporter tant de considerations, comme vous avez pris la peine de faire, il suffit de me dire que vostre volonté est telle. Mais le cœur me dit qu’un tres-grand malheur pour moy doit prendre origine de ce commandement. Je luy obeyray toutesfois, non pas pour creance que j’ay des faveurs dont