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l’autre Adelonde. Quant à Clarinte, j’advoue n’avoir jamais rien veu qui meritast mieux d’estre aymé et servy, ayant toutes les conditions qui se peuvent desirer pour estre aimable. En premier lieu, l’envie n’eust sceu trouver à redire en son visage. Et puis, elle avoit la main la plus belle qui se peust avoir, la taille si droite et deliée, et la façon et la majesté telle, qu’elle sembloit estre vrayement née pour porter la couronne sur la teste, aussi bien que plusieurs de ses ayeules avoient fait autrefois. Et ce qui rendoit ses coups encore plus inevitables, c’estoit qu’à la beauté de ce corps estoit joint un des plus beaux esprits de l’univers, de qui les rayons paroissoient en toutes ses actions, mais particulierement en sa parole, qui estoit si charmante que pour n’en point estre espris, il n’y avoit autre remede que de ne la point escouter. Bref, j’advoue que si j’eusse esté homme, je l’eusse servie, quelque traittement que j’en eusse peu recevoir. Et, de fait, toute fille que j’estois, je ne me pouvois souler de la voir et de demeurer aupres d’elle, quoy que tant de perfections et de merites me donnassent assez de sujet de la haïr, à cause du dessein que j’avois et de la pretention que je recognoissois en elle.

Quant à Adelonde, c’estoit veritablement une belle dame, mais n’approchant en rien à la beauté de Clarinte, ni à ses merites, et de plus qui, estant mariée, ne pouvoit avoir les hautes pretentions