Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/293

Cette page n’a pas encore été corrigée

racines plus avant dans l’ame des vieilles personnes que dans les jeunes cœurs, les fit resoudre de laisser les commoditez de leurs maisons pour luy obeyr, en esperance de devenir plus grands par ses faveurs.

Nous voilà donc à la suite de la Cour où le roy ne trompa point leurs esperances, car il les combla de biens et d’honneurs, desquels toutefois ils ne jouyrent gueres longuement, fust que leur âge estoit parvenu au terme que nul ne peut outrepasser, ou que les incommoditez de la Cour, qu’il est impossible à tout autre qu’au roy d’éviter, eussent abregé leur vie. Tant y a que peu de temps apres, ils moururent tous deux, et sembloit qu’ils ne fussent venus à la suite du roy que pour m’y laisser presque en possession. Car, autrement, je n’y eusse osé venir, au lieu que, m’y trouvant toute portée, je m’y arrestay au commencement sous l’excuse de vouloir donner ordre à quelques affaires domestiques qu’ils m’avoit laissées, et puis pour la poursuite de quelques procez imaginez, et en fin, quand l’affection du roy envers moy fut du tout descouverte, sous l’esperance d’estre sa femme, ainsi que luy-mesme en faisoit courre le bruit.

Durant tout ce temps, il se passa peu de jours sans que je ne donnasse la commodité à Alcidon de me voir en particulier, et que je n’employasse, pour le moins, deux heures aupres de luy,