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grand artifice pour persuader au roy que je m’estois du tout esloignée d’Alcidon, et Alcidon mesme n’eut pas peu de peine à luy faire paroistre que, pour son respect, il n’avoit plus aucun dessein sur moy, parce que, ayant sceu la bonne volonté qui avoit esté entre nous, et luy m’aimant bien fort, et par ainsi me jugeant fort agreable, il ne pouvoit penser que le respect eust eu tant de pouvoir sur Alcidon que d’esteindre l’affection qu’il m’avoit portée. Et puis, considerant Alcidon jeune et beau, et luy desjà fort avancé en son age, chenu et ridé, accidens qui ne sont pas souvent cause de faire naistre l’amour, et mesme dans un jeune cœur comme le mien, et qu’il avoit trouvé empesché ailleurs à son abord, il ne se pouvoit figurer que j’eusse du tout quitté Alcidon pour luy. Et par ainsi, il vesquit longuement en ce soupçon d’estre trompé. Mais la discretion d’Alcidon et la froideur dont j’usois avec luy luy firent enfin perdre cette opinion, et cela fut cause que, se croyant seul possesseur de ma bonne volonté, il ne fit point de difficulté de monstrer tout ouvertement l’affection qu’il me portoit, de sorte qu’apres avoir fait, à ma supplication, ce que mon beau-frere desiroit, il manda à mon pere et à ma mere qu’ils le vinssent trouver, afin d’en avoir occasion de me retenir aupres de luy avec quelque bonne excuse. Encore que l’un et l’autre fust fort vieux, si est-ce que l’ambition, qui tousjours jette ses