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que nous n’eussions jamais eu.

- Helas ! madame, me respondit-il, qu’il est aisé de cognoistre que toutes ces raisons ne sont que des excuses ! Car, si vous eussiez eu le dessein que vous dites, pourquoy vous fussiez-vous cachée de moy ? Et pourquoy, dés ma premiere plainte, ne me les eussiez-vous descouvertes ? et non pas user d’une telle tromperie qui se peut dire trahison, et laquelle je n’eusse jamais sceue, si la fortune, pour me faire sçavoir que j’estois veritablement malheureux, n’eust voulu me la descouvrir. - Je vous advouerai en cecy la verité, luy respondis-je. Je vous recognus si esloigné de cet advis, que je pensay n’estre pas à propos de le vous dire, et devoir user envers vous, comme l’on faict avec les petits enfans qui sont malades, ausquels on oint de quelque douceur les bords du vaze où est la médecine, afin que, trompez, ils l’avalent plus aisément, et que, par cette tromperie, ils se conservent la vie, m’asseurant que vous ne le trouveriez point mauvais, quand vous sçauriez mon intention, et que vous en ressentiriez le profit et le remede. - Helas ! me dit-il avec un grand souspir, plus amer et plus difficile à prendre que ne sçauroit estre le mal que vous voulez guerir ! - Tous les malades, luy respondis-je, quand on leur presente les medecines, en disent autant que vous ; mais, quand ils en ressentent les bons effets et que la santé leur revient, alors ils en louent les medecines et les medecins, et avec salaire et remerciement. J’espere que