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la commodité de me voir, il se monstra encore plus desireux de sa santé. Car, au lieu qu’il ne le voyoit qu’une ou deux fois la semaine, depuis, il y alla tous les jours, et, en allant ou venant, il passoit d’ordinaire en mon logis. Quant à moy, le lendemain que je fus arrivée, j’envoyay vers Alcidon, et luy manday par Alizan que, qu’il l’avoit agreable, je le verrois volontiere, et soudain que j’eus sa response, je m’y en allay.

Je le trouvay fort mal, et pour lors sa chambre estoit pleine de mires et de medecins, de sorte que, pour cette fois, nos discours ne furent que de sa maladie. A quoy il respondit fort peu, et tousjours en souspirant. Il est vray que son mal couvroit cela, parce qu’on pensoit que c’estoit l’ardeur de la fievre. Le jour d’apres, je pris le temps si à propos, que je le trouvay presque seul, et lors, m’approchant de luy, apres luy avoir demandé en quel estat il se trouvoit, il me respondit avec les larmes aux yeux et d’une voix assez foible et languissante : Et comment, madame, me demandez-vous l’estat du mal que vous m’avez fait ? Vous le devez mieux sçavoir que moy, ni que tous mes medecins. - Alcidon, luy respondis-je froidement, il est certain que je sçay une partie du mal de vostre esprit, mais je suis fort ignorante de celuy du corps, et c’est celuy-là qui me met en peine. Car, pour l’autre, quand vous voudrez m’escouter, je m’asseure que vous en serez