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où il l’a laissé, je vous diray, mon pere, qu’ayant receu la lettre qu’il m’avoit envoyée, et à laquelle je ne peus faire response, parce que celuy qui me l’avoit apportée s’en estoit retourné par son commandement, sans me dire adieu, je demeuray la personne du monde la plus desolée, me voyant blasmer, avec quelque apparence de raison, d’une chose à laquelle je ne pouvois guere remedier. J’appris incontinent apres, par des lettres du roy, tous les discours qu’ils avoient eus ensemble, et puis, par Alizan, que j’y avois envoyé exprez (sans toutesfois luy escrire quel estoit son mal et combien on le jugeoit dangereux). Je demeuray longuement à discourir en moy-mesme sur ce que j’avois à faire. Car, d’un costé, l’affection que je luy portois me convioit d’aller où il estoit, pour luy faire entendre combien il estoit abusé, et, de l’autre, je n’osois l’entreprendre de peur d’estre blasmée. Je fus longuement irresolue avant que de pencher entierement d’un costé, et, en fin le second voyage qu’Alizan y fit, me contraignit par son retour de m’y en aller, parce qu’il me rapporta de si mauvaises nouvelles de la maladie que, mettant à part toute autre consideration, je me resolus de l’aller voir, et, en cette deliberation, je commençay de chercher quelque excuse à mon voyage. Elle se presenta assez bonne bien tost apres, parce que, la paix estant faite, mon beau-frere fut contrainct d’aller en Avignon