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pas égale entre luy et moy. Toutesfois, puisque vous le trouvez bon, je feray tout ce qu’il vous plaira. Aussi bien, ay-je recogneu, qu’encores qu’il die la verité, si est-ce que, comme les bons orateurs, il ne laisse de lascher tousjours quelque parole à l’advantage de sa cause.

Et lors, apres estre demeurée muette quelque temps, elle reprit ainsi le discours :

Suitte de l’histoire de Daphnide et d’Alcidon

C’est avec beaucoup de raison qu’on a tousjours dit que ceux qui sont interessez ou preoccupez de quelque passion, ne peuvent estre juges bien equitables, d’autant que, le jugement estant offencé, il ne peut faire ses fonctions parfaictes, non plus qu’un bras ou une jambe qui est blessée de quelque grand coup. Alcidon en rend un bon tesmoignage par les consequences qu’il a tirées si souvent à mon desadvantage, plus porté de la passion que de la raison, qu’il s’en figure. Et parce que mon discours seroit trop long si je voulois reprendre tous les poincts où il s’est Iaissé transporter, je ne m’y arresteray pas, mais seulement diray-je avec verité ce qui reste de nostre fortune, et laisseray à vostre jugement de discerner sa passion d’avec la verité.

Et pour reprendre ce propos