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ma vie que je ne plaigne la cruelle et desastreuse fortune que j’eus en ce temps-là. Car, veu la cruauté dont vous usez envers moy, je n’espere plus en pouvoir perdre le souvenir que par la perte de ma vie. Ce m’est toutesfois quelque espece de contentement, parmy la douleur que ce souvenir m’a rapportée, quand je pense que je la reçois par vostre commandement, et pour avoir obey à ce que vous m’avez ordonné. Mais si vostre rigueur n’est plus grande encore que ma patience, et si vous pouvez estre esmeue de quelque compassion, soulagez-moy, je vous supplie, madame, d’une partie de ce fardeau que vous m’avez imposé, je veux dire de continuer ce discours de mes malheurs, et desquels vous pourrez parler avec plus d’asseurance, puisque le personnage que je fais, en tout ce qui me reste à dire, c’est seulement de souffrir ce qu’il vous a pleu de me faire endurer. Et si vous avez eu quelque raison de vouloir que le sage Adamas apprist de ma bouche la verité des choses que j’ay faites, il me semble que je ne vous fais pas une requeste desraisonnable quand je vous supplie que, par vos paroles aussi, il puisse entendre ce qui est procedé de vous entierement.

Adamas, sans attendre la response de Daphnide, se tournant vers elle : II me semble, madame, luy dit-il, que ce chevalier a raison, et que, par l’ordonnance mesme que vous luy avez faicte, vous y estes obligée. -Mon pere, respondit-elle, la loy n’est