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puis me demesler des liens dont je suis à ceste heure si estroittement serré, je le feray d’aussi bon cœur que je receus jamais les plus grands contentemens dont le Ciel m’ait jusques icy voulu favoriser. Le roy me dit ces paroles assez mal arrangées, et avec un visage qui tesmoignoit qu’elles partoient du cœur, et, parce que je vis qu’il se taisoit, je luy respondis : Seigneur, tout ce qui est au monde y doit estre pour servir à vostre grandeur et à vostre contentement. A plus forte raison Alcidon, qui n’y demeure que pour vous faire service, et le Ciel, qui l’a bien recogneu, prevoyant qu’il m’estoit impossible de vivre et d’estre privé de Daphnide, afin de la vous donner plus absolument, me veut oster la vie, de laquelle je ne verray jamais si tost la fin que je la desire, puisque mon desastre veut qu’elle soit si necessaire à votre contentement.

Je ne peus, à ce mot, retenir les larmes, et le roy, esmu, à ce que je croy, de ma douleur, apres avoir quelque temps demeuré sans parler, me dit : Vous ne sçauriez, Alcidon, me vouloir tant de mal que le tort que je vous fais le merite. Je le recognois, et voudrois, avec mon sang, y pouvoir remedier. Peut-estre le feray-je avec le temps, mais, pour ceste heure, il n’y faut point penser. Et toutesfois, pour votre satisfaction, je suis resolu à tout ce que vous voudrez. Guerissez-vous seulement, et