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peu confus, voyant que je sçavois si bien ce qu’il pensoit que j’ignorasse le plus, et, apres s’estre teu quelque temps : II faut, Alcidon, me dit-il, que j’advoue la debte, encore qu’à ma confusion. Il est vray que j’ay veu cette belle dame dont vous parlez, et que j’en ay eu des lettres. Et de plus, que je l’aime autant que ma vie. Je ne puis nier qu’en cette action, je ne sois le plus mauvais maistre et le moins fidele amy qui se trouve, vous ayant traitté de cette sorte, apres vous avoir promis tant de fois le contraire. Mais, avouant que je vous ay fait ceste trahison, que puis-je dire autre chose pour ma deffence sinon que je me suis trahy moy-mesme avant que vous trahir ? Je m’estois persuadé que, comme il n’y a homme vivant qui jusques icy m’ait peu surmonter, de mesme il n’y avoit point d’apparence qu’une femme le peust faire, et, en cette opinion, je vous ay promis, avec tant d’assurance et de sermens, ce que depuis je ne vous ai peu tenir. La cognoissance que j’avois eue de ma force contre les hommes m’a poussé en ceste erreur de mespriser celle des dames. Et mon regret est d’autant plus grand que c’est Alcidon qui en reçoit le mal, Alcidon que j’ay tousjours tant aimé, qu’il faut bien croire que, puisque j’ay fait contre luy cette perfidie, il m’a esté impossible de faire autrement. Voilà, mon cher amy, la confession que librement je vous fais de l’outrage qu’en despit de moy je vous ay faicte, avec protestation que, si je