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plus longuement parmy les perfidies ? Et ne vous plaignez plus que les dieux soient sourds : ils ont en fin exaucé vos supplications, puis que, ne voulant redonner la santé à celuy de qui la vie ne vous pouvoit plus servir que de regret d’avoir manqué à tant de sermens inutiles, ils vous ont changé le cœur comme vous desirez, le rendant insensible pour moy, mais trop sensible pour un autre, qui peut-estre fera un jour la vengeance de tant de perfidies et de trahison. Et tenez cet augure pour veritable, car les dieux sont trop justes pour ne me vanger, et vous punir.

Je donnay ceste lettre à celuy des miens qui luy avoit porté la premiere que je luy avois escrite, et luy commanday de s’en revenir sans apporter aucune response. Ce desplaisir me fut si cuisant que mon mal s’augmenta beaucoup, de quoy le grand Euric estant adverty, et ne pouvant me sçavoir si malade sans me venir voir, encore qu’il eust un peu de honte de m’avoir enlevé ceste belle dame, contre les promesses qu’il m’avoit faites, une apres-disnée, il me fit l’honneur de me venir visiter. J’estois à la verité fort malade, et toutesfois ma plus grande douleur estoit le souvenir du larcin qui m’avoit esté fait, de sorte que, quand on me dit que le roy venoit en mon logis, je tressaillis, comme si un nouvel accez me saisissoit. Et quand je