Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/273

Cette page n’a pas encore été corrigée

de dormir me fust venue. Et lorsque je me voulois preparer à la resolution que j’avois faite, la fiévre me reprit si violente que je fus contraint de la remettre à une autre fois.

Je n’avois point encore leu la lettre que Daphnide m’escrivoit, n’ayant ny assez de courage pour la voir, ny assez de haine pour la jetter dans le feu. Mais, ne sçachant auquel des deux me resoudre, je la tenois entre les mains, et, sans la lascher, pour quoy qu’il m’en fallust faire, je la garday deux jours de cette sorte, sans bouger du lict. Enfin, la colere me transportant, le soir que je me vis seul : II faut, dis-je en moy-mesme, il faut voir les trahisons de cette perfide, et puis l’arracher si bien de nostre memoire, qu’il n’y en demeure plus qu’un eternel mespris. A ce mot, me relevant sur le lict, je l’ouvris, et, à l’aide d’une bougie qui estoit en la ruelle de mon lict, je leus ce qu’elle m’escrivoit. Mais à quoy serviroit-il, sage Adamas, de redire icy ses paroles,

qui n’avoient esté écrites qu’en intention de m’abuser encore plus longuement ? Mais pourquoy aussi ne les redire pas, puis-qu’il est necessaire que le medecin recognoisse la playe, s’il luy veut donner les remedes necessaires ? Je les diroy donc, non pas pour ma consolation, mais pour vous faire entendre comme je fus traicté.

Lettre de Daphnide à Alcidon