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cachoit sous la terre. Et lors, revenant au logis, je continuois presque le reste de la nuict en ces mesmes imaginations. Combien de fois, tenant presque pour certaines les conjectures que j’avois de mon mal-heur, ay-je voulu sortir de cette vie qui ne me restoit plus, à ce que je jugeois, que pour me donner du temps à ressentir mieux mes ennuis et ses trahisons ! Combien de fois, avec desdain, ay-je recogneu le tort que j’avois d’aimer une beauté si volage ! Et, en mesme temps, combien de fois ay-je fait resolution de rompre les perfides liens de mon servage ! Perfides les pouvois-je bien dire, puisque ses serments et ses promesses, qui, avec sa beauté, m’attachoient à son service, avoient esté si vains et si trompeurs ! Mais, helas ! combien de fois aussi ay-je recogneu que, n’estant plus à moy-mesme, je ne pouvois rien faire ny resoudre, que selon la volonté de celle à qui j’estois. Or, jusques icy, sage Adamas, mon mal m’estoit encore incertain, et je pouvois dire que je le devançois par le soupcon. Mais voicy comme enfin la verité me fut descouverte.

Je m’allois promenant, comme je vous ay dy, quelquefois sur les rives du Rosne, non pas pour me divertir, mais pour mieux entretenir mes mortelles pensées. Un soir que j’estois prest à m’en retourner à mon logis (o dieux ! pourquoy ne le fis-je un peu plus tost ? j’eusse pour le moins d’autant esloigné le cuisant desplaisir que je receus