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du grand Torrismond, qui nous a tant aimez, de ne souffrir point que je vive, mais de me le dire de bonne heure, afin que, par ma mort, je previenne un si malheureux accident.

Daphnide alors, en sousriant : Je suis bien aise, me respondit-elle, de vous voir en la peine où vous estes, tant pour vous empescher une autre fois de retomber en la mesme faute que vous avez faite de parler si librement de ce que vous devez taire, que pour recognoistre, par la crainte que vous avez du roy et de sa bonne volonté envers moy, que veritablement vous m’aimez. Mais, Alcidon, je vous aime trop aussi pour vous y laisser plus longuement. Vivez donc en asseurance de ce costé-là, et soyez certain que, tant qu’Alcidon m’aimera, jamais autre ne sera aimé de Daphnide, et qu’il n’y a ni grandeur, ny authorité du roy qui me fasse jamais changer cette resolution.

Nous eussions bien discouru plus longuement, n’eust esté que le roy, qui m’avoit envoyé querir par deux fois, y renvoya pour la troisieme, en peine, comme je croy, de ce que j’estois pres de Daphnide, sçachant bien qu’elle me diroit, si elle avoit le loisir, quelque chose de ce qui me touchoit. Je partis donc, apres avoir baisé la main à ma belle maistresse, et apres avoir pris asseurance d’elle que, si le roy continuoit, elle ne laisseroit rien passer sans me le dire. Et je m’en vins au galop apres le roy, que je trouvay assez pres de là, qui s’estoit arresté