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ay fait une tres-grande faute, mais je m’asseure que vous l’excuserez, s’il vous plaist de vous souvenir de quelle sorte nous avons vescu durant la vie de son predecesseur, je veux dire le roy Torrismond. Car celuy-là ayant esté par son commandement, la cause de notre premiere amour, j’ay pensé que celuy-cy, ne me faisant pas paroistre moins de bonne volonté, en favoriseroit l’accomplissement. Mais, à ce que je vois, leurs desseins en ce qui me touche sont bien differens, puis que celuy-là n’avoit autre volonté que de me rendre bien-heureux, me donnant ce qu’il eust bien voulu pour luy-mesme, et celuy-cy, au contraire, de me rendre le plus mal-heureux homme qui vive, me ravissant ce qu’il pense estre à moy, et sans quoy il sçait bien que je ne veux pas mesme la vie. Car je prevoy, par la cognoissance que j’ay de son humeur, qu’il vous veut aimer, et que la façon dont il vous à parlé de moy n’a pas esté pour haine qu’il me porte, ny pour le croire comme il le dit, mais seulement qu’ayant dessein d’acquerir vos bonnes graces, et croyant que vous me faictes l’honneur de m’aimer, il me veut mettre mal avec vous, afin que, vostre esprit n’estant point engagé ailleurs, il puisse plus aisément vous gagner, et venir à bout de ses desseins. Mais, madame, si vous pensez qu’il puisse parvenir à ce qu’il desire, et qu’un jour j’aye à voir ce changement en vous, je vous adjure, par la memoire