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le front, feignant de me frotter les sourcils, de honte que j’avois de penser que le roi sceust toutes ces particularitez. Mais luy, en sousriant : Ce ne sont pas, m’a-t’il dit, des ordonnances de la guerre, mais ouy bien de celles de la vanité des jeunes personnes, qui ne peuvent rien taire que ce qu’ils ne sçavent pas, afin que, si ce sont des affaires d’Estat, on pense qu’ils y soient des plus advancez, et si ce sont de celles de l’amour, on les croye plus aimables, en se disant plus aimés qu’ils ne sont.

Et lors, me retirant la main du visage : Mais, a-t’il continué, ne soyez point faschée que je le sçache, puis que, vous aimant et honorant comme je fais, je n’ay garde d’en faire jamais semblant. Et seulement, si vous m’en croyez, et si vous voulez ne vous point ruiner de reputation, retirez-vous de ceste jeunesse et rompez toutes recherches ; car soyez certaine que, tout ainsi qu’il m’en a parlé à ceste fois, il en fera de mesme, si l’humeur luy en vient, à quelqu’autre qui ne sera pas si discret que je suis. Et toutesfois, vous ne luy en devez pas savoir mauvais gré, car encore a-t’il esté fort retenu, et puis son age ne luy permet de n’en parler qu’à moy seul.

– Jugez, me dit-elle, Alcidon, en quel estat vous m’avez mise, de luy declarer ces choses que surtout vous deviez taire. Je ne scay comme je n’en suis beaucoup plus en colere contre vous, quand je considere le tort que vous m’avez fait. – Madame, luy dis-je, j’advoue que j’