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de demeurer un peu apres la trouppe, et il le fit si à propos que, quand j’eus mis le roi à cheval, le mien ne se trouva point, de sorte qu’encore qu’il m’appellast deux ou trois fois, si fallut-il que je demeurasse, feignant toutesfois de me courroucer à ceux qui estoient à moy du peu de soin qu’ils avoient. Le roy, et presque toute la trouppe partit, et, faisant semblant de rentrer dans le logis seulement pour ne laisser ces belles dames au soleil, je tiray à part Daphnide.

– Eh bien ! madame, luy dis-je, que vous semble du grand Euric ? – Mais vous, me dit-elle, que pensez-vous des discours qu’il m’a tenus ? – Je sçay, luy respondis-je, qu’il n’y a rien de plus accomply que ce grand roy. – Or, me repliqua-t’elle, je, vous veux dire mot à mot les propos que nous avons eus, et par là vous jugerez qui des deux vous aime le mieux. Lorsqu’il m’a retiré vers la fenestre, comme vous avez veu, afin que Delie ne le pust ouyr, quoique par civilité il l’eust arrestée avec moy au commencement, il m’a dit : Je ne m’estonne plus si Alcidon s’est mis au hasard où il a esté pour vous voir, car il est certain qu’il n’y a rien au monde de si beau que vous estes belle, et que tout ce que j’ai veu jusques icy ne peut estre estimé tel quand on vous a veue.

II m’a fait un peu rougir en me tenant d’abord ces discours, et mesme, luy oyant parler de vous, et de choses que je ne pensois pas qu’il sceust ; toutesfois, faisant semblant de ne savoir ce qu’il vouloit dire, je luy ay respondu : – Je ne sçay, seigneur,