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chacun me voyoit avec les yeux d’Alcidon. Mais laissons ce discours, et nous dites quel est votre chemin ? – Je sçay bien, luy respondis-je, que celuy qui m’a conduit icy est celuy de ma felicité, et que, quand je partiray, ce sera celuy de mon enfer. – Vous estes gracieux, respondit Daphnide en sousriant ; je vous demande où va le roy et où s’adresse vostre armée.

Je voulois luy respondre, mais le roy, qui m’appella, me contraignit de m’en aller vers luy : AIcidon, me dit-il, venez-moy servir de tesmoing. N’est-il pas vray que la forte et puissante ville d’Arles s’est remise-en nos mains ? – II est certain, seigneur, luy respondis-je, et que bien tost, si vous voulez continuer d’exercer vos armes, il faudra chercher d’autres royaumes, et enfin d’autres mondes, tant elles sont heureuses à vaincre et surmonter. – On ne me veut pas croire, reprit le roy ; c’est pourquoy je vous prie de raconter à cette dame incredule, de quelle sorte non seulement Arles, mais presque toute cette province, qui se disoit des Romains, est maintenant à nous. – Ce n’est pas, seigneur, respondit la bonne vieille, que je ne croye tout ce que vous me dites. Mais c’est que, veritablement, nous avons jusques icy tenu cette ville imprenable. – Non, non, repliqua le roy ; je veux qu’il le vous fasse entendre par le menu, afin qu’une autre fois vous ne doutiez point de ce que je vous diray.

Et, à ce mot, me donnant le change, il me mit en sa place et prit la