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prenant la bonne mere par la main, entra dans la sale, où il l’entretint quelque temps, luy demandant des nouvelles de sa santé et de celle de son mary, et si elle n’avoit point peur de la guerre. Cependant, je parlois à la belle Daphnide qui, encore que tousjours tres-belle, ce jour-là toutesfois il se peut dire qu’elle se surpassoit soy-mesme, ayant adjousté à sa beauté naturelle tant de graces par l’agencement de son habit et de sa coiffure, que je ne vis jamais rien qui meritast tant d’estre aimé.

Delie estoit aupres d’elle et parce que, ravy en la contemplation de ce que mes yeux regardoient, je demeuroy quelque temps avant que de parler : Vous vous en allastes, me dit-elle assez bas, sans cœur, et, à ce que je vois, vous revenez sans langue. Si vous en perdez autant à chaque voyage, pour peu que vous en fassiez, celle à qui vous estes ne sera guere bien servie de vous. – Vous pensez vous mocquer, luy dis-je, belle Delie, mais il est bien certain que si celle qui vous empesche d’estre la plus belle du monde continue, je ne scay ce que je deviendray. – Et de qui parlez-vous ? dit Daphnide. – De vous, madame, luy respondis-je, qui vous plaisez à faire mourir tout le monde d’amour, adjoustant tant de beauté à celle que la nature vous a donnée qu’il ne faut point que personne espere de vous voir sans donner sa liberté pour rançon. – Je veux croire, respondit-elle, pour favoriser AIcidon, que cela seroit, si