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Que de souspirs luy desroba cette pensée, et que d’aggreables souvenirs luy remit-elle en la memoire ! II s’alloit une à une redisant les favorables responces, qu’à diverses fois sa bergere luy avoit faites, lors que quelquesfois pressé d’amour il la supplioit de luy donner quelque asseurance de sa bonne volonté, ou quand la crainte le geloit, de peur qu’en fin la haine de leurs parens ne prevalust par dessus ses services. Là ne furent oubliées les traverses d’Alcippe et d’Hippolyte, ny les contrarietez d’Alcé, ny le courroux de leurs parens, ny les longs voyages qu’on luy avoit faict faire, ny les finesses que l’amour luy avoit enseignées, ny la constance qu’Astrée avoit tousjours fait paroistre en toutes les difficultez qui s’estoient presentées, ny bref une seule chose qui luy pust tesmoigner qu’elle l’avoit aymé. Et apres considerant ce qu’il luy estoit advenu, lors qu’elle le bannit de sa presence, et cherchant des yeux le lieu mal-heureux où il receut cette rigoureuse ordonnance : Le voilà bien, dit-il, le monstrant du doigt, l’endroit destine à me ravir tous mes contentemens, et à donner naissance à tous mes ennuis ! Mais, s’escrioit-il, apres estre demeuré quelque temps les bras croisez, et sans dire mot, mais est-il possible que d’une si grande affection il soit procédé une si grande hayne, d’une si grande constance un si grand changement, et d’un si grand bon-heur un desastre si peu