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pas demeurer longuement sans augmenter ou diminuer, si la vostre ne diminue bientost, elle ne s’augmente de sorte que nous vous perdions. Et pour ce, il faudroit, ou vous en diyertir, ou y mettre quelque remede. – Seigneur, luy dis-je, le soing qu’il vous plaist avoir de moy me garantit de toute sorte de peril ; mais de guerir ou diminuer mon affection, c’est entreprendre une chose impossible, et à laquelle je ne consentiray jamais. – Voilà, me dit le roy une forte et grande passion. – Seigneur, respondis-je, si vous en voyiez le sujet, je m’asseure que vous diriez qu’elle est encores trop petite pour l’égaller. – Mais, adjouta-t’il, est-il croyable qu’elle soit aussi belle que vous la dites ? – Seigneur, luy respondis-je, si je ne craignois d’estre moy-mesme la cause de ma ruine, je vous en dirois, et avec verité, encore davantage, mais j’ay grand peur que je n’aiguise, par ce moyen, le fer qui m’ostera la vie. – Et comment l’entendez-vous ? me dit-il.

Et parce que je ne respondois point : Parlez, Alcidon, continua-t’il, dites-moy librement quelle est votre crainte.

Et me l’estant fait commander deux ou trois fois, enfin j’y continuay : J’ay peur, et non point, seigneur, sans raison, que Daphnide estant si belle, ne gagne autant sur vostre ame que sur la mienne. Que si ce malheur m’arrivoit, il est bien certain, que la mort seroit mon recours, mais une mort si desesperée que mes plus grands ennemis en auroient