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d’excuse à qui luy obeyt. – A ce que je vois, Alcidon, repliqua-t’il, il n’y a que moy qui aye perdu en ceste adventure. – Et comment cela, seigneur ? luy dis-je. – Parce, continua-t’il, que Daphnide, d’un demy-serviteur qu’elle avoit en vous (c’est ainsi qu’on pouvoit parler de vostre affection envers elle), elle en a gagné un tout entier. Et vous, au lieu que vous n’aviez qu’un maistre, vous avez à ceste heure et un maistre et une maistresse. Mais moy, j’y ai perdu ; car au lieu que tout seul je vous possedois, maintenant j’ay un compagnon qui y a part, et Dieu vueille encores que ce ne soit la plus grande !

– Si je pensois, repris-je incontinent, que ceste affection me pust divertir en quelque sorte du service que je vous dois, c’est sans doubte, seigneur, qu’au lieu de l’amour, j’eslirois plustost la mort, me jugeant trop indigne de vivre si, jusqu’à mon dernier souspir, je ne continuois en ce dessein. Mais si, sans manquer à vostre service, je puis parvenir au bonheur qu’Amour me promet, et que mon cœur avec tant de passion souhaitte, je ne pense pas qu’il y ait de la perte poui vous, puisqu’un bon maistre, tel que vous estes, desire tousjours de voir que ceux qui sont à luy ayent du contentement. – J’advoue, me dit-il, en riant, cette affection, pourveu qu’elle ne vous fasse point plus de mal qu’elle ne m’en faict. Mais je crains fort que, comme une maladie ne peut