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qui, apres un si long siege, s’estoit rendue à luy, voulut pour quelques jours rafraischir son armée, qui avait esté grandement travaillée en ceste occasion, et, la separant en divers lieux, ne retint pres de sa personne que ce qui estoit necessaire pour sa seureté. Et parce que c’estoit sa coustume que, quand il faisoit tréve avec Mars, il recommençoit la guerre avec l’Amour et avec la chasse, il s’adonna à tous les deux, incontinent qu’il en eut le loisir, n’y ayant rien que son courage genereux hayst davantage que l’oisiveté. Aussi souloit-il dire que, de vivre sans rien faire, c’estoit s’enterrer avant que d’estre mort. La charge que j’avois m’appeloit ordinairement aupres de sa personne, mais l’affection que je luy portois m’y retenoit encore davantage ; c’est pourquoy j’estois tousjours à ses costés.

II est vray que ceste nouvelle amour, ou plustost ce renouvellement de mon ancienne affection envers Daphnide, me rendoit tellement pensif, qu’à peine pouvois-je parler à personne. Dequoy le roy s’appercevant, un jour qu’il estoit à la chasse, fust qu’il voulust se moquer de ma passion, ou que desjà il se plust d’ouyr parler de celle qui me lioit et la langue et le cœur, il m’appella, et, en sousriant, me dict :

C’est trop mespriser les personnes presentes pour les absentes, que de demeurer continuellement sans parler pour ne point interrompre vos pensées. – Seigneur, luy dis-je, la necessité doit servir